A la fin des temps, Isaac et Ismaël se réconcilieront à Hébron. Rachi


Mosquée d'Abraham, Hébron



Trois semaines avant mon départ d'Israël, rencontre inespérée avec les Zalzberg, une famille juive de Jérusalem.
Trois semaines avant mon départ d'Israël, enfin je pousse un peu la porte sur l'autre côté du mur.

Le mur, ce n'est pas que ce bloc de béton froid enfermant la vie de la West Bank. Ce n'est pas que les grilles serrées de cette bétaillère qui "autorisent Jérusalem" aux familles de Bethléem. Le mur pour moi, c'est aussi le mystère de tous ces visages.De tous ces jeunes militaires armés aux airs convaincus et détendus, qui font taire et déchausser tout un peuple courbé au check-point 300.
Qui habite derrière ce mur-là ?

Chez les Zalzberg donc, on fête ce soir le début du shabbat et la fête du Pourim. Aude et moi sommes accueillies, attendues même, avec une simplicité et une chaleur intègres pour partager le festin. Pour partager cette belle tablée de 18 juifs de quatre générations, réunissant l'Orient et l'Occident dans leur famille. Le tronc s'enracine plutôt en Germanie, teintée de Roumanie par le papa, d'Irak par la belle-soeur, du Maroc par l'oncle, de la Suisse par la deuxième femme du grand-père...Chez les Zalzberg ce soir, à l'image de tout un peuple, c'est la joie des retrouvailles.La même qui a envahi tout à l'heure la synagogue. Des chuchotements et des rires d'abord, le temps du rassemblement et des premiers psaumes ; et puis ce jaillissement irrésistible, de louanges, de danses, de communion. C'est profond et joyeux. On célèbre l'Alliance, cette marche lourde, infinie et majestueuse, d'un peuple trop humilié, trop persécuté et si fidèle à la Vie.
Dans l'appartement neuf et moderne de Tante Poni, c'est pareil. Les enfants sautent sur les genoux de leur grand-père qui essaie de nous résumer la célébration du Pourim. Pour un juif dit "laïc", l'histoire est très bien connue, longue et précise; l'enfant lui chuchote même qu'il a oublié un épisode. Alors pour passer à table, Ofer nous éclaire enfin sur le sens de cette tradition : "bref, comme dans toutes les fêtes juives : on ne nous a encore pas eus, alors on se rassemble et on mange !" Tante Poni n'en finit pas d'apporter des plats et de surveiller nos assiettes vides. On me questionne sur les enfants de la Crèche, sur les raisons de ces situations. Je suis hésitante ; je revois les camps insalubres de Bethléem, le mur qui hurle, je ressemble à l'invitée venant conter un pays lointain...

Ce soir, 8 kilomètres et quelques heures plus loin, repassée de l'autre côté du mur, j'entends encore les coups de feu épars de cette guerre sourde qui résonnent au camp d'Aïda.
Mais quand donc ces deux frères se rencontreront-ils ?
A la fin des temps. A Hébron. Dit Rachi... Sur le tombeau de notre même père Abraham ?
Alors, peut-être, ne retrouve-t-on son frère qu'en retrouvant son Enfance la plus nue, la plus viscérale.
En retrouvant ce besoin sans fond, pas d'une terre à partager mais de notre Terre à tous : l'accueil sans fin d'un Père, le regard fidèle d'une Mère.


Soeur Elisabeth et Nur


En vérité, je vous le dis, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un enfant, n'y entrera point. Luc 18, 17.




Au camp de réfugiés de Dheisheh, 11 000 palestiniens.




Check-point 300



Prière juive devant la tombe d'Abraham